mercredi 8 juillet 2009

Friedrichshain, Kreuzberg, sechsundreissig, t'entends?

BERLIN, 22 mars 2009 (AFP) - Installé au coin d'une rue branchée de l'est de Berlin, le Café-Lounge "Mirsham" vient d'essuyer une attaque à l'acide: un acte revendiqué sur internet comme une révolte contre l'embourgeoisement rapide du quartier.

"Des types ont répandu de l'acide butyrique partout dans les toilettes des femmes. En quelques secondes, ça empestait et le bar était désert", raconte à l'AFP Cengiz Turnagöl. Ce Turc de 32 ans a ouvert il y a trois ans ce qu'il avoue être "un bar bobo", au pied d'un immeuble repeint en jaune poussin. "C'est vrai que le quartier change mais je n'y suis pour rien", dit-il. L'acide a ravagé les toilettes et Turnagöl en a pour plus de 4.000 euros de réparations.

Au total, quatre "cocktail-bars" et "café-lounges" de la rue Simon-Dach ont été pris pour cibles par des militants anarchistes à la mi-mars, en marge d'une manifestation contre la "gentrification".

Les quartiers Friedrichshain et Kreuzberg, autrefois bastions des squatteurs, sont aujourd'hui envahis par les yuppies et la colère gronde. Le soir des attaques à l'acide, une voiture de police a été renversée, les vitres d'un restaurant McDonald brisées, et une benne à ordures a été incendiée. La majorité des 73 voitures brûlées en 2008 à Berlin l'ont été à Friedrichshain et Kreuzberg.

Ces deux quartiers attirent une population de plus en plus aisée, amatrice d'appartements anciens refaits à neuf. Conséquence, les loyers ont grimpé de 25 à 30% depuis 2000 et les pauvres sont peu à peu chassés, étudiants et artistes en tête. "30.000 personnes sont menacées de déménagement forcé à Berlin, mais on ne se laissera pas expulser sans se battre", affirme Anna Schneider, porte-parole du collectif "United We Stay", qui enchaîne les manifestations.

Berlin a déjà vécu la gentrification d'une partie de Kreuzberg, dès le début des années 1990, puis des quartiers Prenzlauer Berg et Mitte, dans le centre-est de la capitale. Le maire de Friedrichshain-Kreuzberg, l'écologiste Franz Schulz, assure "parfaitement comprendre" les craintes des habitants."Il fallait bien rénover, mais cela a entraîné une hausse massive des prix des logements. Entre 30 et 50% du salaire y passe aujourd'hui", dit-il à l'AFP.

Un projet comme le "CarLoft" à Kreuzberg "est devenu un symbole de la yuppisation", ajoute-t-il. Cet immeuble d'appartements de très grand luxe est doté d'un ascenseur à voitures, pour garer le 4X4 ou la berline près du salon. Dans la rue Simon-Dach à Friedrichshain, les vieux commerces ont cédé la place ces dernières années à des cafés modernes et des magasins de confection design.

Au numéro 7, entre le "Cappuccino Lounge" et le "Cocktail-Bar Amber", le dernier immeuble vétuste connaîtra bientôt à son tour les échafaudages, une banderole sur la façade promet des appartements de confort allant jusqu'à 182m2. A quelques pas de là, un drap blanc suspendu à un balcon appelle à la résistance: "Solidarity is a weapon" ("la solidarité est une arme", ndlr), y lit-on.

Gabriele Weser vit "depuis cinquante ans" dans une rue voisine. Son immeuble a été restauré en 1997 et les loyers ont explosé. Pour cette vieille dame est-berlinoise, "l'âme du quartier a été vendue au diable capitaliste".

Au bout de la rue Simon-Dach, "le RAW-Tempel", un ancien terrain des chemins de fer transformé en haut-lieu de la culture alternative, avec bars, concerts et halle de skate-board, se bat pour sa survie, non loin d'un immeuble squatté par des punks et des alternatifs, l'un des derniers "logements communautaires autoadministrés" de Berlin.

"La culture alternative avec ses barbecues dans les arrières-cours pourries, c'est fini", déplore Sixten Demirov, 39 ans. Il déménagera "peut-être bientôt" lui aussi. Loyer oblige.

8 commentaires:

  1. Hé ben, ils ont l'air bien énervés ! d'un côté je comprends, de l'autre je me dis qu'il faut accepter les changements d'une ville ( quartier, loyer, populations )et quand on parle de "déménagement forcé", mmmh... je trouve ça exagéré. Une ville n'est pas figée, il faut suivre, s'adapter, c'est le jeu. Si on préserve ces deux quartiers pour les arnarchos, artistes et révolutionnaires de gauche, ce sont eux qui deviendraient les "privilégiés". Bref, c'est le genre de situation très compliquée où d'emblée on ressort des arguments copiés-collés et où on alimente les clivages entre groupes sociaux. C'est pas la meilleure méthode. Appelez donc des médiateurs, sociologues, urbanistes et architectes pour vous aider ! ( ça nous ferait du travail...)

    D'ailleurs, ça me rappelle les problèmes de Christiana à CPH. On peut s'attendrir pour cette petite communauté hyppie et se battre pour le maintien de toutes les activités culturelles ( concert, bar..et là je suis ok ). Par contre, si on réfléchit au droit à la propriété, à leur légitimité sur ce terrain militaire et à l'équité entre ces habitants là et les autres de cph, ce sont de sacrés petits chanceux. Les maisons ne sont plus vraiment des cabanons et on parle même de "zone résidentielle" à Christiana. ahem

    Le problème dans ce genre de situation est qu'en tant qu'habitant, tu dois penser et défendre à la fois des intérêts personnels ( mon patrimoine, mon loyer et mon salaire ), des intérêts plus collectifs ( ma communauté voire mon quartier), puis comprendre et accepter les envies de tous ( la ville, les méchants "riches" de l'ouest ou les expat' qui veulent habiter à Kreuzberg ). !
    En tout cas, ça montre bien que le doux rêve de la mixité sociale n'est pas prêt de marcher...

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  2. La mixité sociale est la plus vaste fumisterie de ces dernières années en urbanisme.
    La seule qui ait jamais existé c'est dans les petits villages isolés, où, microcosme oblige, toutes les classes de la société étaient présentes et étaient obligées de vivre ensemble, du maire à l'idiot du village..
    La seule chose qu'on puisse faire, c'est ralentir la perte de mixité sociale, c'est tout. Puisque la démographie se comprend en termes dynamiques et pas de façon figée..
    tfaçon, à propos des privilèges, c'est l'hôpital qui se fout de la charité comme tu dis. J'étais hier au bar 25, et ce "pseudo" squat sur les bords de la Spree n'a de réel intérêt que c'est parce que c'est un pseudo squat donc par définition éphémère.. En plus c'est fréquenté uniquement par des ptits bourgeois étrangers qui raconterons au pays "ouais j'étais dans un vrai squat les copains moi j'suis un ouf". Révolution mein arsch. Cela dit mis à part ça c'est rigolo à voir la gentrification en marche.

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  3. Je relis l'article, et je le trouve étrange.. je ne sais pas pourquoi... le journaliste prend carrément position et n'explique rien.
    "Les quartiers Friedrichshain et Kreuzberg, autrefois bastions des squatteurs, sont aujourd'hui envahis par les yuppies et la colère gronde" ???
    Qui sont les squatteurs, qui sont les yuppies ? Quel est le rapport de force ? Existe-il vraiment, est-il global ou seulement menés par de petits groupes ? et merde... peut être sommes-nous des yuppies avec nos diplômes de petits architectes et notre statut d'expat'...? héhé

    Je veux en savoir plus, ça m'intéresse !

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  4. (la mixité sociale c'était aussi avant les ascenseurs, le bourgeois à l'étage noble et le prolo sous le toit..)

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  5. Comme toi, je pense que c'est une question de temps et de dynamiques. Il sera intéressant de voir comment on pourra réguler ces différences sociales, comment l'architecture accompagnera ( ou pas ) ces changements.

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  6. "Butyric acid is found in rancid butter, parmesan cheese, vomit, and body odor and has an unpleasant smell and acrid taste, with a sweetish aftertaste"

    C'est sûrement juste des punks qui étaient aller vomir leur parmesan dans les toilettes des meufs?

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  7. c'est agaçant ces gens qui défendent une cause qui à la base parait légitime ou "juste" par des méthodes complétement faschistes et injustes.
    C'est comme à la Friche (squatt de Lyon), ils font un atelier où ils donnent des vélos gratos mais le mec te pète la gueule (véridique) si t'es pas végétarien, ou même si t'es vegan....
    ou même comme les grêves à la fac qui défendent une cause que je suisla première à trouver ultra juste, en prenant en otage les élèves, les profs, en décrédibilisant encore plus les enseignants-chercheurs et la qualité de l'enseignement à la fac..
    En conclusion, gauche, droite, pauvres ou riches, cultivés ou non, les extrêmistes sont souvent des gros cons.

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  8. ouaip. Pourtant l'humour aujourd'hui est tellement plus dévastateur..

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